Chapitre 16
Gill sentit soudain le regard de Menesis posé sur lui, et il se dépêcha de cacher ses mains. Depuis cette dernière nuit, l’astrologue semblait encore plus méfiant. Comme si le garçon n’avait pas assez d’ennuis !
— Bon ! On y va, ou pas ? râla Cork. J’ai faim, moi ! L’intervention du guerrier mit fin à ce silence embarrassant, et les voyageurs reprirent leur exploration. Seulement, Gill n’était plus du tout intéressé par le paysage… Il ne cessait de faire la liste de tout ce qui n’allait pas chez lui, et se demandait quelle étrange maladie il avait pu attraper… et si on pouvait la soigner !
Un peu plus loin, il se pencha pour ramasser un bâton suffisamment solide pour servir de gourdin. Une sorte de sixième sens l’avertissait qu’il était en danger. Impossible de dire si celui-ci viendrait des spectres, de sa maladie ou d’autre chose, mais Gill avait besoin de se rassurer !
Il n’arriva rien pourtant, tout au moins pendant une demi-heure. Les aventuriers cueillirent des noisettes et des prunes grises au goût délicieux. Ils trouvèrent également une source d’eau propre à laquelle ils purent se rafraîchir. Après quelques recherches, Cork arracha une branche dont il pensait faire un arc. Leur situation s’améliorait, mais les trois hommes étaient toujours aussi nerveux. Ils sursautaient à chaque fois qu’une bande de moineaux donnait l’alerte ou qu’un gros rongeur se frayait un passage à travers les herbes folles.
— Je déteste cet endroit, marmonna le guerrier. Je me sentirais plus tranquille si on était en haut du sillon.
— Nous n’aurions rien trouvé là-haut, lui rappela Menesis en soupirant. Il nous fallait absolument descendre.
— Ouais. Eh ben, on pourrait peut-être faire demi-tour, maintenant ? J’ai les jambes complètement bouffées par les bestio…
Il s’interrompit si brutalement que Gill lui jeta un regard étonné. Cork s’était immobilisé ; puis il s’accroupit lentement en intimant à ses compagnons d’en faire autant.
— Que se passe-t-il ? chuchota Menesis. Vous avez vu quelque chose ?
Le guerrier se contenta de pointer du doigt. À une dizaine de mètres, dans le côté gauche du sillon, on apercevait l’entrée d’une espèce de terrier, comme il y en avait des centaines tout le long de la tranchée. Sauf que celui-ci avait une ouverture large comme une roue de chariot, et que ses alentours étaient parsemés d’os brisés et jaunis…
— Quel monstre peut bien habiter là ? murmura l’astrologue. Il semble même y avoir des ossements humains !
— Tu délires, commenta Cork. Qui serait venu se perdre ici, au milieu de nulle part ?
— Nous y sommes bien, nous ! se vexa Menesis.
Ils se turent le temps de replonger le regard dans la bouche béante du tunnel. Gill essayait de se rappeler toutes les histoires qu’il avait entendues sur les Ornières, mais aucune ne parlait de ça !
— Si des types sont morts ici, ils ont peut-être laissé des armes…, dit le guerrier d’un air songeur.
— Vous ne pensez tout de même pas vous aventurer dans ce trou ! paniqua l’astrologue. Pour le bien du Coquillage, nous devons absolument éviter de mettre nos vies en danger !
— Aucun risque. Ça a l’air abandonné… De toute façon, j’avais plutôt envie d’envoyer un éclaireur. A quoi sert donc ton écuyer ?
Gill écarquilla les yeux de surprise. Il ne s’attendait pas à ça. Malgré ses promesses, Cork avait donc gardé toute sa rancune ! Le garçon attendit anxieusement la réponse de Menesis. Celui-ci hésitait encore.
— Nous avons besoin d’armes, insista le guerrier. Si cet espion refuse encore de nous aider, alors il mérite qu’on le laisse ici ! N’oublie pas qu’il a essayé de voler le Coquillage.
— C’est vrai, s’emporta l’astrologue. Après tout, la reine t’a placé à mon service ! Écuyer, je t’ordonne d’aller fouiller ce tunnel. Si tu refuses, ce sera la preuve que tu es un espion !
Gill ne prit que quelques instants pour réfléchir. Il n’avait pas le choix…
Il se leva lentement et se dirigea vers le terrier macabre.